L'actuel ministre espagnol Rajoy (gauche) tient le drapeau de l'Espagne.
Arthur Mas, actuel dirigeant de la G. de Catalunya, coupe des bandes rouges qui tombent sur le jaune, cela forme le drapeau catalan.
Un étonnement inquiet 

Les origines directes des problèmes économiques catalans sont la récession dramatique issue d’une bulle immobilière phénoménale et les décisions prises par différents gouvernements au fil des années : selon l’analyse de Bruxelles, ce n’est pas la spoliation budgétaire (même si le système de financement n’est pas parfait et que l’ampleur du déficit budgétaire est discutable), argument principal du mouvement séparatiste pour justifier ses prétentions. Ainsi, l’UE a vu arriver cette polémique avec un étonnement qui a viré à l’inquiétude, car elle est apparue au moment le plus critique de la crise espagnole.
La Catalogne, bien évidemment, n’est pas l’Allemagne : tout d’abord, elle est la première victime des ravages causés par la récession et le chômage. Néanmoins, à de nombreux égards, l’analogie fonctionne : une fois de plus, le Nord souhaite restreindre la solidarité en temps de crise.
Bruxelles observe ce débat avec désarroi : “La Catalogne est une source supplémentaire de préoccupation. L’Espagne a déjà de nombreux problèmes et voilà que l’une des communautés autonomes les plus riches doit réclamer un plan de sauvetage à l’Etat. Quasiment en même temps, cette région menace de prendre son indépendance et propose un bien mal nommé pacte fiscal qui, en fin de compte, consiste à réduire les ressources remises aux caisses de l’Etat, maintenant que la santé des comptes publics se dégrade”, affirme un diplomate.

Match entre le Real Madrid et le FC Barcelona le dimanche 7 octobre.

Aspirations séparatistes

Le président de la Generalitat [gouvernement régional], Artur Mas, s’est adressé au moins deux fois à Bruxelles pour que sa revendication d’un nouveau système de financement soit mieux comprise. Il s’est entretenu avec le président de la Commission, José Manuel Barroso, et avec celui du Parlement, Martin Schulz. Il a contacté quasiment tout le monde en Europe. Toutefois, outre l’habituelle ambiguïté calculée, les sources que nous avons interrogées ne se souviennent pas qu’il ait une seule fois fait allusion aux aspirations séparatistes de la Catalogne.
Nous ne renonçons pas à notre identité… Davantage de Catalogne et davantage d’Europe, voilà notre slogan”, a déclaré Artur Mas à la presse lors de l’une de ces visites, à la suite de quoi des journalistes lui ont demandé si cela signifie qu’il cherche à s’éloigner de l’Espagne. “Non, a-t-il répondu.Nous sommes positifs. Nous préférons les affirmations et nous ne refusons rien.” Cette déclaration en a étonné plus d’un à Bruxelles, ce qui a conduit un fonctionnaire européen à prévenir : “Certaines revendications catalanes sont vues avec bienveillance, mais actuellement, la région franchit une frontière dangereuse. Sa demande est compréhensible pour des raisons financières, mais même en Allemagne, avec un système fiscal fédéral qui peut servir de modèle, on admet qu’on ne peut pas passer la frontière des aspirations indépendantistes à la légère. A Bruxelles, ces dernières déclenchent des sonnettes d’alarme, en raison du risque que d’autres régions reproduisent ce schéma.

Couverture du journal "El Periodico" du mercredi 11 septembre, le lendemain de la Diada.

Le barrage de Maastricht 

L’indépendance de la Catalogne serait accompagnée d’obstacles juridiques, bien évidemment, si l’on en juge par l’élégante formulation de l’article 4.2 du traité de Maastricht. Par ailleurs, la prise de décisions au sein de l’UE se dirige vers une généralisation de la majorité qualifiée dans tous les cas sauf un,  l’adhésion de nouveaux Etats, qui continuerait de nécessiter l’unanimité. Ces mécanismes peuvent servir de barrages : le président de la Commission, José Manuel Barroso, a été clair sur le sujet. D’un côté, la question est “interne” à l’Espagne. De l’autre, si une procédure de sécession devait avoir lieu au sein d’un Etat membre, “il faudrait faire appel au droit international pour trouver une solution”.
Le gouvernement du PP [Parti populaire] a fait savoir que les responsables du déficit espagnol sont les communautés autonomes. C’est faux. Il a également l’intention d’opérer une recentralisation des compétences (sous prétexte que les contraintes imposées par Bruxelles ne lui laissent pas d’autre possibilité), ce qui suscite des craintes en Catalogne et explique en partie la réaction de la région. Ici, une fois de plus, les ressemblances avec le contexte européen sont inquiétantes : la troïka envoie les hommes en noir à Madrid, puis le gouvernement central envoie ses larbins dans les communautés autonomes qui ont bénéficié d’un sauvetage, comme la Catalogne.